Spiréclat |
La
reine se leva et s'approcha de la baie vitrée qui donnait sur le
jardin et le Chêne. Elle resta silencieuse sans quitter l'arbre
sacré. Les souvenirs d'Amilys se cumulèrent dans son esprit puis
soudain la nuit du drame se figea sur ses pupilles. Le comportement
de Légalorme pendant le repas. Son hurlement et son agressivité
envers le Chêne. Elle avait eu conscience cette nuit-là qu'un lien
étrange unissait Légalorme et Amilys, un lien au-delà de la vie
des mortels. Mais il était difficile pour la plupart des êtres de
magie modeste de concevoir pareil lien. Spiréclat revint sur ses pas
et s'installa de nouveau à table. L'elfe s'était levé et prit de
nouveau place.
–
J'ai toujours apprécié ta connaissance des guerriers qui servent
sous tes ordres. Il ne pourrait pas avoir meilleur guide que toi,
Légalorme des Marais. Je voulais que tu le saches.
–
Merci ! Mais je...
–
J'entends ce qui se dit à ton sujet. Je ne prends bien évidemment
pas parti et n'apporte aucun crédit aux récits de l'Ambassadrice.
Contrairement à elle, je connaissais la fée qui ternit tes citrines
et affecte tes humeurs. J'ai conscience du lien unique que tu as
partagé avec elle. Amilys n'était pas un être ordinaire et sa mort
est une perte considérable. Sais-tu que j'ai envisagé de la nommer
à mon poste ?
–
Elle m'en avait parlé oui ! Elle aurait certainement refusé.
–
Je n'en suis pas si sûre... N'était-elle pas l'union d'un héritier
royal ?
Le
guerrier ne répondit pas et préféra taire les conditions de
l'union entre la fée de saphir et Lunabstrus. Au plus profond de
lui, il refusait cette idée qu'elle aurait pu devenir la reine de
Sienne.
–
Légalorme ! Il est possible que son esprit circule parmi nous
et essentiellement à la Clairière aux Fées. Cependant...
(Spiréclat versa du thé dans sa tasse avant de reprendre.) Tu dois
comprendre que ces rumeurs, ces idées reçues pourraient mettre en
péril ton autorité.
–
Souhaitez-vous que je me retire de ce poste ? s'alarma
Légalorme.
–
Non ! Bien sûr que non ! Il n'est pas question que tu
renonces à ce titre. Mais peut-être serait-il plus prudent que tu
consultes la Grande Guérisseuse.
–
Majesté ?
–
La douleur et la colère sont ennemies de la paix. Elles conduisent
souvent à des convictions erronées. Tu ne pourras pas tenir les
rênes de tes soldats s'ils pensent que tu as des hallucinations
auditives ou visuelles. Et Cyclamorgan se fait un malin plaisir à
diffuser ce qu'elle entend. Si Pavilys du Rocher atteste de ta bonne
santé, il me sera plus aisé de te soutenir, bien que je ne mette
pas en doute tes facultés mentales.
Légalorme |
–
Mais vous avez besoin d'en être certaine, soupira l'elfe.
–
Comprends-moi ! Dans ma position, je ne peux me permettre de
faire une erreur. Tu es chef des armées de Sève et les guerriers du
royaume officient sous tes ordres. Tu as toute ma confiance mais ce
n'est pas le cas de certaines personnes autour de moi. Il serait très
facile de te destituer si la commission royale me soumettait au vote.
J'ai un droit de veto et je l'utilise pour te protéger.
–
Je n'ai pas besoin d'être protégé, Majesté !
–
Puisque tu es trop borné pour comprendre ma démarche, disons que je
le fais en mémoire à Amilys.
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