« La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. »
Victor Hugo
(Extrait du Discours d'ouverture du congrès littéraire, 1878)

Entretien royal

Spiréclat
            La reine se leva et s'approcha de la baie vitrée qui donnait sur le jardin et le Chêne. Elle resta silencieuse sans quitter l'arbre sacré. Les souvenirs d'Amilys se cumulèrent dans son esprit puis soudain la nuit du drame se figea sur ses pupilles. Le comportement de Légalorme pendant le repas. Son hurlement et son agressivité envers le Chêne. Elle avait eu conscience cette nuit-là qu'un lien étrange unissait Légalorme et Amilys, un lien au-delà de la vie des mortels. Mais il était difficile pour la plupart des êtres de magie modeste de concevoir pareil lien. Spiréclat revint sur ses pas et s'installa de nouveau à table. L'elfe s'était levé et prit de nouveau place.

– J'ai toujours apprécié ta connaissance des guerriers qui servent sous tes ordres. Il ne pourrait pas avoir meilleur guide que toi, Légalorme des Marais. Je voulais que tu le saches.

– Merci ! Mais je...

– J'entends ce qui se dit à ton sujet. Je ne prends bien évidemment pas parti et n'apporte aucun crédit aux récits de l'Ambassadrice. Contrairement à elle, je connaissais la fée qui ternit tes citrines et affecte tes humeurs. J'ai conscience du lien unique que tu as partagé avec elle. Amilys n'était pas un être ordinaire et sa mort est une perte considérable. Sais-tu que j'ai envisagé de la nommer à mon poste ?

– Elle m'en avait parlé oui ! Elle aurait certainement refusé.

– Je n'en suis pas si sûre... N'était-elle pas l'union d'un héritier royal ?

          Le guerrier ne répondit pas et préféra taire les conditions de l'union entre la fée de saphir et Lunabstrus. Au plus profond de lui, il refusait cette idée qu'elle aurait pu devenir la reine de Sienne.

– Légalorme ! Il est possible que son esprit circule parmi nous et essentiellement à la Clairière aux Fées. Cependant... (Spiréclat versa du thé dans sa tasse avant de reprendre.) Tu dois comprendre que ces rumeurs, ces idées reçues pourraient mettre en péril ton autorité.

– Souhaitez-vous que je me retire de ce poste ? s'alarma Légalorme.

– Non ! Bien sûr que non ! Il n'est pas question que tu renonces à ce titre. Mais peut-être serait-il plus prudent que tu consultes la Grande Guérisseuse.

– Majesté ?

– La douleur et la colère sont ennemies de la paix. Elles conduisent souvent à des convictions erronées. Tu ne pourras pas tenir les rênes de tes soldats s'ils pensent que tu as des hallucinations auditives ou visuelles. Et Cyclamorgan se fait un malin plaisir à diffuser ce qu'elle entend. Si Pavilys du Rocher atteste de ta bonne santé, il me sera plus aisé de te soutenir, bien que je ne mette pas en doute tes facultés mentales.

Légalorme
– Mais vous avez besoin d'en être certaine, soupira l'elfe.

– Comprends-moi ! Dans ma position, je ne peux me permettre de faire une erreur. Tu es chef des armées de Sève et les guerriers du royaume officient sous tes ordres. Tu as toute ma confiance mais ce n'est pas le cas de certaines personnes autour de moi. Il serait très facile de te destituer si la commission royale me soumettait au vote. J'ai un droit de veto et je l'utilise pour te protéger.

– Je n'ai pas besoin d'être protégé, Majesté !

– Puisque tu es trop borné pour comprendre ma démarche, disons que je le fais en mémoire à Amilys.


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