« La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. »
Victor Hugo
(Extrait du Discours d'ouverture du congrès littéraire, 1878)

Les doutes !


Soudain une lueur verte émana du Chêne. L'elfe se recula pour attendre l'apparition d'Amilys. Elle apparut au pied de l'arbre et aussitôt l'elfe des Marais sentit une haine incontrôlée l'envahir. Le magicien de Viridis la tenait contre lui, tout sourire. Il l'avait laissée seule pendant deux mois, sans prendre le soin de la rassurer, et il était là, comme si tout était normal. L'elfe et le magicien se toisèrent et se saluèrent.

– Bonjour Légalorme ! dit-il d'un ton calme et amical. Toujours derrière les ailes de ma fée.

– Il faut bien que quelqu'un veille sur Amilys lorsque tu te volatilises.

La fée de saphir posa la main sur le bras du magicien de Viridis et lui fit signe de la tête de ne pas répondre. Elle regardait l'elfe étonné : elle ne lui avait pourtant rien dit. Légalorme s'approcha d'elle et fixa son regard, ce qui agaça fortement l'être de Sienne.

– Amilys ! Il faut que je te parle tout de suite.

– Je n'ai pas le temps ce matin.

– Tu vas prendre le temps de m'écouter. Je ne te donne pas le choix.

Il s'empara de son bras. Amilys sentit la détermination dans sa poigne et dans ses citrines. Elle préféra lui accorder son attention et entendre ce que Légalorme avait de si important à lui dire. Elle se retourna vers Lunabstrus et lui demanda d'aller chercher Pavilys dans le saule. Il fallait partir avant l'aube pour ne pas que les êtres de la clairière aperçoivent le magicien de Sienne. Puis elle fixa de nouveau les pupilles de l'elfe.

– Qu'est-ce qu'il y a Légalorme ? demanda-t-elle sur un ton ferme et agacé.

– Pourquoi ne m'as-tu rien dit sur l'absence de Lunabstrus, sur les esprits ?

– En quoi cela te concerne ?

– Amilys ! Ce qui te concerne m'a toujours concerné. Pourquoi veux-tu que tout change ?

– Tu es uni je te le rappelle.

– Et alors ? Tu l'es aussi... (Légalorme ne poursuivit pas, il ne voulait pas entrer dans une discussion sans fin.) Bon peu importe ! Je t'interdis de partir au Pays des Mânes tant que tu ne sauras pas ce que les esprits te veulent.

– NOUS veulent, à Lunabstrus et à moi.

– Ma Fée ! Lunabstrus est de Sienne, il le sera toujours, encore plus maintenant qu'il est à la tête de l'armée de son royaume…

– Arrête tout de suite ! Lunabstrus fait parti de mon sang et je fais partie du sien. Lorsque Pavilys arrivera, elle nous conduira près des Immortels. Et se produira ce qu'il doit se produire.

– Je t'en prie, écoute-moi ! Ne pars pas là-bas, pas avec lui. Tu m'entends, je te l'interdis.

– De quel droit peux-tu m’interdire quoique ce soit ? Nous ne sommes pas unis à ce que je sache. Tu as toujours trouvé l'idée stupide. Alors occupe-toi d'Aurose.

– Amilys ! Mais qu'est-ce qui te prend ?

Légalorme fut foudroyé par la violence verbale d'Amilys. Jamais il n'avait vu ses jades aussi clairs, presque translucides, et il sentait la colère tapie au fond d'elle. La fée elle-même fut surprise d'avoir pu prononcer une pareille phrase, pleine de reproches et de dépit. Elle resta un moment sans lui répondre et l'elfe des Marais perçut dans ses pupilles toute la fragilité qu'elle tentait désespérément de lui cacher. Elle n'était pas sûre d'elle, elle appréhendait ce qu'il pouvait se passer en terre des Mânes, elle doutait terriblement d'avoir fait les bons choix. Elle se méfiait de Lunabstrus mais elle s'était engagée. Il lui attrapa les mains avec douceur au moment où ce dernier et Pavilys débarquèrent essoufflés. Le guerrier les observa rapidement : il remarqua alors que Lunabstrus avait coupé ses cheveux. Un détail insolite dans ce moment ! Il fixa de nouveau les yeux de la sylphide.

– Je t'en prie, ma Fée ! Ne fais pas ça. Ne pars pas avec lui ! Il est trop sûr de lui. Que te cache-t-il encore ?

– Je ne sais pas. Mais les Essentiels m'attendent...

– Tu redoutes autant que moi cette invitation. Je sens bien que tu perds pied... Tu restes avec moi, mon Étoile ?

– Oh mon Guerrier... Je n'ai pas le choix, ils ont besoin de moi. Je suis désolée.

La voix de la sylphide s'était apaisée mais elle reflétait son désarroi.

– Amilys ! Je...

Mais l'elfe ne finit pas sa phrase. Leurs pupilles ne se quittèrent pas pendant un moment qui parut beaucoup trop long à Lunabstrus. Il dévisageait Légalorme et ce qu'il lut dans ses citrines ne lui plut pas.

– Nous devons partir Amilys. Les lueurs de l'aube ne vont pas tarder.

– J'arrive, répondit-elle sans détourner les yeux de ceux de l'elfe. Légalorme, je suis désolée.
 
 
 
 


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