« La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. »
Victor Hugo
(Extrait du Discours d'ouverture du congrès littéraire, 1878)

Le miroir brisé


L'Immortelle de Lumière se rendit aussi discrètement que possible dans la chambre de Légalorme. Elle ne voulait pas l'épier mais comprendre pourquoi les doutes s'emparaient de lui depuis son arrivée au riad. Tapie dans un coin de la pièce, ses jades observaient l'elfe. Pourquoi ? Elle ferma les yeux et se concentra sur les énergies et les flux de magie de la pièce. Elle s'enivra de l'aura de Légalorme, du jaspe protecteur. Et soudain, elle comprit. Elle ouvrit les yeux et suivit l'essence magique qui avait éveillé une partie de son cœur. Il ne fallut pas longtemps pour qu'elle se retrouve dans la chambre de Lunabstrus. L'aura puissante d'antimoine de son union pesait lourd sur toutes les autres magies de la maison.
La pièce n'avait pas changé depuis qu'elle y avait mis les ailes, comme suspendue dans le temps, à l'image de sa propre chambre au palais d’Écume. La présence était si forte ; voilà pourquoi Stibnita avait autant éloigné son guerrier de cette pièce.
– Amilys, ma jolie fée, murmura une voix suave.
– Lunabstrus, chuchota-t-elle.
Elle visualisa rapidement les différents coins de la pièce et figea son regard de jade dans le miroir brisé où deux turquoises brillaient. La silhouette du mage se dessina sur le cristal de roche, une main tendue vers la fée.
– Approche, ma Belle !
– Comment est-ce possible ? Tu es...
– ... de l'autre côté du miroir, je le sais, oui ! termina-t-il tristement.



Dans un glissement radieux, Amilys s'approcha et tendit la main vers celle du mage de Viridis. Ses doigts vaporeux traversèrent sans encombre le miroir et vinrent effleurer ceux de son union. Lunabstrus encercla le poignet et approcha la main de son cœur. La fée sentit alors les deux à-coups battre à rythme régulier et serein.
– Tu es dans mon cœur, à tout jamais. Ce que tu es devenue est ma plus grande fierté. Ne t'arrête pas en chemin, n'ouvre pas tes ailes à qui ne le mérite pas. (Il ne détacha pas ses turquoises des jades.) Amilys ! Il a besoin de toi, de ton attention, de ta protection, de... ton amour.
– Mais cet amour est à toi, souffla-t-elle alors que des papillons de turquoise s'échappaient de ses yeux.
– Il est un autre amour dans ton cœur, bien plus intense. Écoute le battre et promets-moi de le laisser vivre le jour venu, si cela est possible.
– Lunabstrus !
Elle prononça son prénom en approchant du miroir jusqu'à le frôler de son corps d'Immortelle.
– Non ! N'approche pas plus, Amilys. Tu dois rester de l'autre côté sans quoi tu perdras ton immortalité. (Il relâcha le poignet de la fée et se recula.) Ne reviens pas dans cette pièce. Tu sais que mon souvenir y vit tout comme le tien vit dans ta chambre d’Écume. Mais tu es la seule de nous deux à pouvoir encore voyager. Tout comme tu es la seule à me percevoir dans ce miroir parce que l'au-delà dépend des Esprits Essentiels. (Les larmes turquoises s'envolaient toujours alors que les iris du mages s'effaçaient du cristal.)

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