« La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. »
Victor Hugo
(Extrait du Discours d'ouverture du congrès littéraire, 1878)

La voix sacrée


La journée du Serment Sacré prenait fin. Amilys pénétra dans l'enclos du lac sacré. Elle eut une pensée pour Brimbellen : verrait-il un jour la chute d'eau ? Il n'y avait plus un bruit et l'aube pointerait bientôt. Elle n'avait pas sommeil, l'excitation de la fête et la joie des nouvelles couronnées emplissaient son âme, même si aucune de ses protégées n'y avait reçu de tiare. Elle se posa entre les racines du Chêne, le dos contre son tronc. Elle ferma les yeux et pensa au couronnement de sa petite sœur l'année passée, et à ce jour où elle avait prononcé sa promesse, treize printemps plus tôt. Elle n'était qu'une petite fée. Médulys et Pavilys étaient indépendantes désormais. Elle se posait des tas de questions sur son avenir, sur sa préciosité. Tout le monde s'attendait à la voir partir pour la Contrée Royale mais les années passaient et elle était toujours à la clairière. Elle s'y sentait bien et ne voulait pas la quitter. Cependant elle sentait au fond d'elle une douleur, sans pouvoir mettre de mots dessus.


– Pourquoi suis-je si mélancolique ? J'ai tout ici, une vie tranquille. J'ai accès aux merveilles de la forêt. Les elfes et les fées m'apprécient et me respectent. Et mes sœurs, un vrai bonheur. Je sais que mon père et mon oncle Selmor seront toujours là et m'entourent d'amour. Mère fait de son mieux. Et malgré cela, je me sens si seule.

– Tu as besoin d'être protégée, Amilys ! Être aimée juste pour toi, la petite fée bleue.

– Oui peut-être ! C'est un peu prétentieux comme réflexion. Aimer les autres sans retour mais attendre égoïstement de la reconnaissance.

– Oh ce n'est pas de la reconnaissance que tu attends.

– Alors quoi ? Un elfe charmant ?

Ne l'as-tu déjà pas trouvé, Amilys ? rit la voix. Tu as juste besoin d'amour quel qu'il soit ! Mais tu dois accepter de le recevoir.

 La fée ne prêta pas attention à cette voix grave, rugueuse, ancienne. Le son résonnait dans son âme. Amilys pensa qu'un esprit essentiel lui répondait, comme bien souvent lorsqu'elle s'isolait. Elle distinguait le murmure du vent, le chuchotement des flots. Elle discernait le bourdonnement sylvestre, le crépitement minéral. Depuis toute petite, elle était accompagnée par la sirène essentiellement, mais aussi par l'albatros, le farfadet et le scarabée. Elle n'avait jamais eu à se poser la question de l'existence des énergies. Mais ce soir-là, trop perdue dans ses pensées, elle ne remarqua pas que la voix n'appartenait à aucun des quatre esprits essentiels.
Marie C la Rainette Ailée }i{

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