« La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. »
Victor Hugo
(Extrait du Discours d'ouverture du congrès littéraire, 1878)

Apparition


    La clairière s'était petit à petit vidée de tous ses êtres, la journée du Serment Sacré prenait fin. Sa fille était couronnée, comme sa mère, de roses. Mais il avait la tête ailleurs comme bien souvent quand les êtres de la Contrée du Rocher se réunissaient. Aujourd'hui, elle lui manquait plus que d'habitude, sentiment sûrement provoqué par la présence dans la sommière de Médulys, Pavilys et Jozef. Il avait eut cette impression étrange qu'elle allait apparaître près de la cascade, dans le Chêne, à la lisière de la forêt. Sa présence était partout. Légalorme se tenait dos contre le tronc du Chêne et observait les astres. La lune était magnifique, ronde et lumineuse. L'étoile saphir était apparue et se tenait dans la voûte céleste sans bouger parmi les constellations. Il ne l'avait plus revue depuis la cristallisation d'Amilys, ce jour où il avait refusé d'assister à sa disparition. L'elfe fixait l'astre bleu sans surprise mais il tentait de comprendre pourquoi elle réapparaissait, après tant d'années.

   À la fin de la guerre, il avait repris l'habitude de plaquer ses paumes sur l’écorce du rouvre, comme en cet instant. La sève filtra alors dans ses veines et l'esprit de l'arbre se confondit avec le sien. Il ferma les yeux. La brillance de l'étoile resta gravée dans ses prunelles. C'est alors que l'image d'Amilys apparut, le visage pâle mais lumineux, le sourire sur les lèvres, le jade de ses yeux malicieux. Un Morpho Anaxibia de saphir se tenait sur son index et en un souffle, la fée le fit s'envoler. Légalorme eut le sentiment que le papillon venait de traverser ses pupilles. La silhouette de la nymphe bleue s'évapora et il ouvrit les yeux.

    Amilys se tenait devant lui dans cette magnifique robe blanche aux bretelles d'argent et parsemée de cristaux de saphir, une ceinture d'anneaux argentés sur les hanches, tel un fantôme, à quelques centimètres du sol. Il y avait si longtemps qu'il ne l'avait pas vue de cette manière, cette vision que le Chêne lui offrait parfois du vivant de la nymphe. L'aurore lui procurait toujours beaucoup de plaisir quand son visage s'immisçait dans son esprit mais ce n'était que le reflet de son souvenir d'elle. Là, elle était face à lui, plus réelle que jamais. L'elfe des Marais lui tendit la main comme il le faisait pour qu'elle touche terre. Elle fit de même en fixant ses citrines. La volute saphir toucha ses doigts et une immense chaleur parcourut son corps. Le papillon qu'il portait sur sa poitrine bleuit et battit des ailes. Autour de lui le spectre de la lumière se dessina : il perçut l'arc-en-ciel de la lumière visible mais aussi les infrarouges comme les ultraviolets. Devant tant de luminosité, Légalorme prononça son prénom.

    – Amilys !

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire