Et
comme à chaque nuit sans lune, le guerrier affrontait le regard
épineux d'Aurose. Comment lui expliquer ce besoin vital de retrouver
Amilys, même si ce ne devait être que le reflet de sa mémoire ?
La fée des roses ne pouvait pas comprendre, ne voulait surtout pas
essayer de comprendre le comportement de Légalorme. Il était uni à
elle ; et pourtant la seule chose qu'elle constatait au fil des
années était l'attachement que le guerrier avait pour Amilys, une
fée morte. Une union spirituelle bien plus forte que celle d'aura.
Que pouvait-elle y faire ? C'était Amilys !!! Pas une fée
quelconque... Aurose ne retenait pas Légalorme ces soirs-là :
elle le foudroyait du regard, espérant le faire culpabiliser
vis-à-vis d'elle, sans réel espoir ! Il partait aussi vite que
ses ailes lui permettaient comme pour ne pas être en retard à un
rendez-vous.
Malaneem du Rocher |
Un
seul être comprenait la véritable nécessité de ce rendez-vous,
même si le guerrier refusait de l'écouter. Malaneem avait su le
jour même de la cristallisation d'Amilys, que Légalorme
n'admettrait jamais sa mort, qu'il se battrait corps et âme pour la
croire en vie. Les années avaient passé et ce combat n'avait jamais
cessé. Cette nuit de lune noire était la preuve vivante de ce
rejet. Pour la énième fois il se posa auprès de son ami. Légalorme
acceptait toujours sa présence, alors qu'ils refusaient toutes les
autres.
–
Le ciel est clair ce soir. Tu as apporté des clématites ? se
moqua Malaneem.
Un
léger sourire se dessina sur le visage de Légalorme. Des
clématites ! D'une incantation de Bois, il en fit fleurir au
bout de ses doigts et les déposa près du châtaignier. Il en garda
une en main et l'offrit à l'elfe du robinier.
–
Une petite fleur pour ta tanière !
–
Oh ! Que d'honneur Commandant Suprême, rit Malaneem.
–
Elle ne pourra pas les prendre, tu le sais bien.
–
Tu ne devrais pas espérer... Tu... (Il marqua un blanc.) Tu
m'inquiètes, Légalorme. Je ne voudrais pas que tu...
–
... deviennes fou ?
–
Je n'ai pas dit cela.
–
J'en ai besoin. Cette communion... Malaneem, tu sais très bien...
Légalorme
leva les yeux, signe que son ami devait s'en aller. Malaneem se redressa,
posa la main sur l’épaule de l'elfe des Marais et soupira.
Évidemment qu'il savait, bien mieux que Légalorme lui-même.
En
cette nuit de nouvelle lune, l'aurore se propagea dans la voûte
céleste et ses citrines fixèrent la lueur du cercle chromatique à
la recherche d'une silhouette, d'un regard de jade. Le papillon
dessiné sur sa poitrine prit une teinte bleutée et frémit sur sa
peau. L'elfe sentit un chatouillement qui lui rappela cette nuit dans
un oasis, perdu au fond d'un volcan en terre de Sienne : une fée
aux ailes bleutées avait tracé du bout de ses doigts fins un
lépidoptère sur son cœur. Il y posa la paume et, comme une
caresse, une force invisible lui ferma les paupières. Ses pupilles
se fixèrent alors dans les pupilles de celle qu'il guettait. La
barrière entre la vie et la mort s'estompa et leurs esprits se
rejoignirent. L'espace d'une aurore, Légalorme retrouvait Amilys et
le lien qui les unissait se renouait.
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