« La lumière est dans le livre. Ouvrez le livre tout grand. Laissez-le rayonner, laissez-le faire. »
Victor Hugo
(Extrait du Discours d'ouverture du congrès littéraire, 1878)

Augure


Ère du Scarabée, période de Bronze, au matin de la deuxième nouvelle lune de l'automne de l'an 74

Le roi se précipita vers Stibnita avant qu'elle ne s'effondre sur le sol. Ses bras l'accueillirent avec force, et Pegmobnixus la souleva pour la conduire sur la méridienne du patio. Il l'enveloppa de son aura de rubis. Il appela la jeune servante et la pria d'apporter un linge et de l'eau bien froide. La magicienne ne revenait pas à elle. Il vérifia son pouls ; il battait doucement à deux à-coups réguliers. Ce n'était certainement qu'un malaise. Cependant, la magicienne tardait trop à revenir à elle. La servante revint et plaça le linge humide sur le front de l'être d'antimoine. Pegmobnixus en profita pour se relever et s'installer près d'elle. C'est alors qu'il remarqua comme un voile sur la Lumière du soleil. Dans un murmure, il prononça le nom de la fée de saphir, mais rien ne se produisit. Pas une seule lueur, pas même un chuchotement. Toutefois, une étrange sensation lui glaça le sang. Il sortit délicatement le saphir de sa poche et le trouva terne, bien trop terne. Qu'arrivait-il à l'Immortelle de Lumière ?

Soudain, le corps de Stibnita se souleva légèrement et resta en suspension. Pegmobnixus ne bougea pas ; il connaissait la puissance des Essentiels. Au même instant, dans des appartements du dôme d’Écume, un magicien connut le même sort. Il s'était effondré sur son canapé. Son aura avait vacillé avant d'être happée par les énergies. Il flottait, inconscient, au-dessus des coussins. Un violent éclair relia les deux êtres ; leurs esprits se rencontrèrent et la communication s'installa.

– Magicien Jozef ! Sa Lumière disparaît de notre aura. Que lui arrive-t-il ?
– Je ne sais pas. Mon aura est faible : je sens froideur et obscurité. Amilys est en présence d'êtres obscurs.
– Des mânes noirs ? Peuvent-ils avoir pris possession de Papillon ?
– Je n'ai aucune réponse à t'apporter. Ma fille a peur de perdre Légalorme, mais encore plus de le conduire à la mort.
– Crois-tu qu'elle puisse s'être tournée vers les Altérés pour aider l'Elfe Étoilé ? demanda-t-elle angoissée.
[...]
– Tu dois comprendre que la détresse et la colère de Légalorme puissent avoir conduit Amilys à cette extrême ! Son cœur de fée est meurtri.
– Nous ne pouvons pas la laisser s'éteindre, Jozef !!!!
– Non ! Il faut l'aider à croire en sa puissance, Stibnita. Elle doit être certaine que les hommes qu'elle a rassemblés autour de sa Lumière croient en son royaume. Mais nous sommes bien impuissants face aux Altérés.
– Nous allons devoir prier les Essentiels.

Un éclair éblouit les deux êtres et la communication prit fin. Les deux corps retrouvèrent leur réceptacle. Stibnita revint à elle et ses yeux s'ouvrirent en grand fixant le fleuve turquin du regard du mage.

– Roi de Rubis ! Il est temps d'éclairer les opales de la caverne. Rassemble les hommes sous la bannière de la Lumière. Donne force et conviction à chacun pour les mener sur le bon chemin.

Les paupières se refermèrent sur les antimoines. Le magicien resta un instant perplexe et ne recouvra ses esprit qu'à l'appel de son nom. Il tourna son visage vers Stibnita : elle le regardait et souriait. À ses yeux pétillants, il comprit que son union avait été messagère de la prophétie, comme si souvent. Mais aujourd'hui, il en avait conscience. Stibnita était l'être d'Antimoine.

– Comment te sens-tu ? Tu m'as fait peur, ma reine !
– Fatiguée. Le temps se voile, tu dois rejoindre tes hommes. Je vais préparer de nouveaux élixirs de manière à ce que tu aies tout ce qu'il faut le moment venu.
– Stibnita ?
– Oui ? (La magicienne constata soudain la pâleur du mage.) Que t'arrive-t-il ? Tu devrais te reposer un peu avant de rejoindre Granodioptio. Les jours radieux sont pour bientôt. Il te faudra force et courage. Mais je sais que l'homme à qui je suis unie est force et courage.

Elle se leva comme si tout allait bien. Elle caressa la joue de Pegmobnixus. Le roi se leva et l'éteignit avec amour. Il profita de l'aura apaisante de son union et purifia son esprit assombri. Dans ces moments-là, il oubliait le passé, le présent et le futur ; il s'efforçait de profiter de la présence de Stibnita contre lui. Les images du bonheur défilaient dans son âme et le frisson de l'étreinte lui rappela soudain la souffrance. Leurs pupilles se fixèrent et la tendresse de la magicienne l'envahit. Pegmobnixus posa les lèvres sur celles de Stibnita.

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