Ère
du Scarabée, période de Bronze, au matin de la deuxième nouvelle
lune de l'automne de l'an 74
Le roi se précipita
vers Stibnita avant qu'elle ne s'effondre sur le sol. Ses bras
l'accueillirent avec force, et Pegmobnixus la souleva pour la
conduire sur la méridienne du patio. Il l'enveloppa de son aura de
rubis. Il appela la jeune servante et la pria d'apporter un linge et
de l'eau bien froide. La magicienne ne revenait pas à elle. Il
vérifia son pouls ; il battait doucement à deux à-coups
réguliers. Ce n'était certainement qu'un malaise. Cependant, la
magicienne tardait trop à revenir à elle. La servante revint et
plaça le linge humide sur le front de l'être d'antimoine.
Pegmobnixus en profita pour se relever et s'installer près d'elle.
C'est alors qu'il remarqua comme un voile sur la Lumière du soleil.
Dans un murmure, il prononça le nom de la fée de saphir, mais rien
ne se produisit. Pas une seule lueur, pas même un chuchotement.
Toutefois, une étrange sensation lui glaça le sang. Il sortit
délicatement le saphir de sa poche et le trouva terne, bien trop
terne. Qu'arrivait-il à l'Immortelle de Lumière ?
Soudain, le corps
de Stibnita se souleva légèrement et resta en suspension.
Pegmobnixus ne bougea pas ; il connaissait la puissance des
Essentiels. Au même instant, dans des appartements du dôme d’Écume,
un magicien connut le même sort. Il s'était effondré sur son
canapé. Son aura avait vacillé avant d'être happée par les
énergies. Il flottait, inconscient, au-dessus des coussins. Un
violent éclair relia les deux êtres ; leurs esprits se
rencontrèrent et la communication s'installa.
–
Magicien Jozef ! Sa Lumière disparaît de notre aura. Que lui
arrive-t-il ?
–
Je ne sais pas. Mon aura est faible : je sens froideur et
obscurité. Amilys est en présence d'êtres obscurs.
–
Des mânes noirs ? Peuvent-ils avoir pris possession de
Papillon ?
–
Je n'ai aucune réponse à t'apporter. Ma fille a peur de perdre
Légalorme, mais encore plus de le conduire à la mort.
–
Crois-tu qu'elle puisse s'être tournée vers les Altérés pour
aider l'Elfe Étoilé ? demanda-t-elle
angoissée.
[...]
–
Tu dois comprendre que la détresse et la colère de Légalorme
puissent avoir conduit Amilys à cette extrême ! Son cœur de
fée est meurtri.
–
Nous ne pouvons pas la laisser s'éteindre, Jozef !!!!
–
Non ! Il faut l'aider à croire en sa puissance, Stibnita. Elle
doit être certaine que les hommes qu'elle a rassemblés autour de sa
Lumière croient en son royaume. Mais nous sommes bien impuissants
face aux Altérés.
–
Nous allons devoir prier les Essentiels.
Un éclair éblouit
les deux êtres et la communication prit fin. Les deux corps
retrouvèrent leur réceptacle. Stibnita revint à elle et ses yeux
s'ouvrirent en grand fixant le fleuve turquin du regard du mage.
– Roi de Rubis !
Il est temps d'éclairer les opales de la caverne. Rassemble les
hommes sous la bannière de la Lumière. Donne force et conviction à
chacun pour les mener sur le bon chemin.
Les paupières se
refermèrent sur les antimoines. Le magicien resta un instant
perplexe et ne recouvra ses esprit qu'à l'appel de son nom. Il
tourna son visage vers Stibnita : elle le regardait et souriait.
À ses yeux pétillants, il comprit que son union avait été
messagère de la prophétie, comme si souvent. Mais aujourd'hui, il
en avait conscience. Stibnita était l'être d'Antimoine.
– Comment te
sens-tu ? Tu m'as fait peur, ma reine !
– Fatiguée. Le
temps se voile, tu dois rejoindre tes hommes. Je vais préparer de
nouveaux élixirs de manière à ce que tu aies tout ce qu'il faut le
moment venu.
– Stibnita ?
– Oui ? (La
magicienne constata soudain la pâleur du mage.) Que t'arrive-t-il ?
Tu devrais te reposer un peu avant de rejoindre Granodioptio. Les
jours radieux sont pour bientôt. Il te faudra force et courage. Mais
je sais que l'homme à qui je suis unie est force et courage.
Elle se leva comme
si tout allait bien. Elle caressa la joue de Pegmobnixus. Le roi se
leva et l'éteignit avec amour. Il profita de l'aura apaisante de son
union et purifia son esprit assombri. Dans ces moments-là, il
oubliait le passé, le présent et le futur ; il s'efforçait de
profiter de la présence de Stibnita contre lui. Les images du
bonheur défilaient dans son âme et le frisson de l'étreinte lui
rappela soudain la souffrance. Leurs pupilles se fixèrent et la
tendresse de la magicienne l'envahit. Pegmobnixus posa les lèvres
sur celles de Stibnita.
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